vendredi 4 juillet 2008

Après l'Histoire ?

Nous étions en Touraine l'été dernier. Le jardin de la France et ses merveilles.

S'il vous plaît, lorsque vous visiterez les châteaux de la Loire, promettez-moi que votre tenue vestimentaire sera digne ; promettez-moi que vous aurez mis une belle chemise au lieu d'un informe tee-shirt fantaisie, vous que aurez enfilé un beau pantalon au lieu d'un short décontracté, que vous n'exhiberez pas vos orteils dans des sandales plébéiennes ou des écrase-merde tout-terrain Quechua. Vous aurez remisé votre sac à dos Décathlon à gourde intégrée et vos accessoires de trekking extrême Lafuma au plus profond d'un placard. À Langeais, à Villandry, à Chenonceau, vous serez en terre civilisée.

D'une part, sachez qu'il convient d'honorer l'élégance des lieux. Vous marcherez sur des parquets de chêne, sous des rideaux de velours, sur des hectares de tomettes polychromes, vous aurez l'occasion de pénétrer dans des chapelles infiniment délicates ou des jardins bichonnés ; vous n'aurez besoin ni de crampons, ni de crême solaire, encore moins d'accoutrements para-sportifs. En outre, certains châteaux hébergent de sompteuses collections de peinture : on n'en profite que très mal au pas de course. Vous éviterez la magnésie pour vous saisir des rampes d'escalier : le marbre est très doux, surtout quand un compagnon l'a travaillé avec goût.

D'autre part, ôtez-vous définitivement de l'esprit que vous pratiquez une activité culturelle. Vous ne serez pas là pour consommer du patrimoine ou rentabiliser du monument historique. Et d'ailleurs vous ne serez pas là en touristes ; vous serez chez vous, dans ce que votre intérieur compte de plus beau. Les châteaux de la Loire ne sont pas des "vestiges du passé" que l'on doit considérer avec distance : ils sont votre propre Histoire. On y rédigea des traités, on y conclut des alliances, on y jardina avec amour, on y hébergea les plus grands génies qui écrivirent l'histoire de l'art, on y courtisa de fort belles âmes, on y écrivit avec fièvre la marche quotidienne de la France, jusqu'à une époque très récente. Autant qu'une statue de la Liberté pour un américain, autant qu'un mont Fuji pour un japonais, autant qu'une tour de Pise pour un Italien, les châteaux de la Loire ne sont extérieurs à vous, ils sont constitutifs de votre propre identité.

Certes il est infiniment triste de voir ces nobles lieux envahis de populaces couvertes de coups de soleil, de casquettes publicitaires et de casques de cyclisme ; mais vous n'en serez pas. Au contraire des troupeaux touristiques, vous tirerez des leçons de goût et d'élégance français.

Le soir venu, en bonne compagnie sur une place ombragée de Tours, vous ne commanderez ni sodas ni boissons énergisantes. Laissez cela aux épuisés qui ont "fait Chambord en moins de trois heures". La cravate un brin négligée pour profiter d'une idéale fraîcheur, vous dégusterez ce que le vignoble local fait de mieux depuis des siècles. Et vous lèverez votre verre à la santé des Rois de France.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Permettez-moi de vous conseillez un Vouvray demi-sec ou sec c'est ce qu'il y a de meilleur après la visite d'un château de la Loire proche de Tours. Autrement pour des châteaux tels que Loches, Langeais ou Chinon le Chinon (et son goût de pierre) sera plus adequat.

Anonyme a dit…

Sinon y a le parc des mini châteaux en plastoc mal fait,
A visiter sous coke ou avec un acide !

Anonyme a dit…

Lorsque j'ai visité Chambord, v'était en hiver et il faisait -10 dehors et guèt-re plus à l'intérieur. Croyez bien que j'ai regretté de ne pas avoir troqué mon superbe costume pour un anorak pourri.

Anonyme a dit…

Et pour les femmes que conseillez-vous?

Isabelle

Anonyme a dit…

Il ne faudrait jamais regarder couler la Loire, c'est une chose fatale ; après on ne sait plus faire que ça, et le reste est sans importance.

Elle dépose son sable dans vos veines, et grippe volonté, ambition, orgueil, tous les moteurs d'une virile agitation.

Dans le pays, la plupart de ceux qui commandent sont des gars venus d'ailleurs ; mais déjà leurs enfants sont en danger : s'ils ne les éloignent pas rapidement des rives, il n'y aura plus grand-chose à en tirer ; ils auront le rêve dans le sang; et rien ne pourra les distraire du lent flux du grand fleuve (...).

Premières lignes du roman d'Alice

"L'ange et le reservoir de liquide de freins"

Anonyme a dit…

errata : les lignes citées ci-dessus sont de Alix de Saint-André.

Anonyme a dit…

Je n'ai jamais vu personne en cravate dans un musée à part peut-être le gardien ? (et encore)

Mais votre article est judicieux. La modernité est véritablement en décalage avec le passé.

Anonyme a dit…

Très renaudcamusien, ce truc de la cravate (cf. Eloge du paraître).
Pour le reste, très bien vu, comme toujours.

Anonyme a dit…

Edifiant et très bien écrit; merci donc. On pourrait dire à peu près de même pour les monuments et sites religieux.